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Romans photos

Mes nombreuses aventures à la recherche de mes "proies" photographiques, m'ont donné l'envie de rédiger ces quelques lignes pour raconter ces moments privilégiés.

       Pour commencer cette rubrique, voici le récit d'une extraordinaire rencontre

                    1/ Jeudi matin 02 octobre 2003, Bois de Roche Grande à Allanche

La nuit a été calme, seule la pluie a quelque peu perturbé mon sommeil ! à cause d'une fuite dans ma toile de tente!...

La nuit précédente, vers 5 heures, un gros cerf a tourné autour de mon campement en poussant de longs brames..., le faisceau de ma lampe de poche l'a convaincu d'aller bramer plus loin !...

Debout à 7 h30, après une rapide toilette, je m'équipe léger et me dirige prestement vers le nord-ouest, la où les brames ont repris de plus belle...

Je m'enfonce dans la forêt en contournant par la gauche la "Roche". En approchant de l'orée j'aperçois l'un des bramants. Il se tient au milieu d'une pâture artificielle avec ses deux biches. Cet espace grand comme deux terrains de foot est entouré tout autour par une digue faite des débris de bois et de terre, poussés par les bulldozers. La hauteur varie de deux à trois mètres, ce qui facilite les approches. Il brame à tout rompre, jusqu'au moment où quatre daguets rentrent dans l'arène à la queue leu leu...Ma position bien que très discrète ne me permet pas des images satisfaisantes, étant trop éloigné de la scène (cent mètres environ). le cerf passe son temps à courir derrière les daguets qui s'étaient invités à la fête, et tout ce beau monde sort de l'espace pour rentrer sous le couvert. Je prends la décision de les suivre, en faisant l'approche par la forêt, sachant où je pourrais les reprendre ? Je me retrouve au pied d'une bute que je connais bien. Autour de celle-ci une grande clairière encombrée d'un fatras de souches, de troncs secs : des vestiges de la tempête de décembre 1999. En fait les animaux aiment bien cet endroit, ils s'y sentent en sécurité, car leur approche est rendue plus difficile. Le sommet de ce petit massif est couvert de sapins.

A peine suis-je en place que je remarque le "dix" cors précédent occupé à éloigner un jeune "huit" un peu trop entreprenant...En fait j'ai la sensation de me trouver au milieu d'une place très chaude ! L'absence de vigilance de mon "dix" me permet quelques images en position debout, bien calé sur le monopode à une distance bien sympathique. Je réussis sur ce coup trois ou quatre photos de bonne facture, dans un décor matinal humide de la nuit. Mais les limites sont atteintes quand ce joli cerf, face à moi (quinze mètres ?) pousse son rot, signifiant qu'il m'a repéré, il tourne les sabots et regagne le haut de la bute, un bref arrêt et il se retourne pour me jauger...puis adieu. 

                                                                                     

 Mon attention ne retombe pas car au même moment un puissant brame retentit sur ma droite, pas très loin. Le temps de charger un nouveau film, et je me dirige vers ce nouveau bramant. A une centaine de mètres plus loin je le distingue en lisière des feuillus, la tête tournée vers la montagne, j'en profite pour m'avancer jusqu'à quelques dizaines de mètres de lui et  m'accroupir. Je l'observe sous le couvert végétal. je n'ai pas longtemps à attendre pour comprendre la fougue de son brame ! celui-ci est destiné à un congénère qui arrive, face à lui à travers la pâture.

Mon coeur tape le "180", je pense à cet instant que je vais vivre des moments exceptionnels,  que j'attends depuis plus de dix ans... Les deux cerfs sont maintenant face à face, à cinq mètres l'un de l'autre ! il entament une marche parallèle, têtes basses, les regards de travers. En fait, ce cérémonial correspond point par point à ce que j'ai pu lire sur les affrontements de cerfs.

Après une "marche" de quelques mètres, les deux protagonistes se mettent face à face et s'élancent têtes baissées....Un grand choc, un enchevêtrement des bois et des claquements secs. je commence à déclencher avec frénésie. Ma tension est à son comble, aussi je suis ravi de pouvoir m'appuyer sur le monopode, la lumière est bonne ce qui permet de donner de la profondeur de champ : diaphragme 8 vitesse 1/350 ième de seconde sensibilité du film 800 isos.

Les cerfs sont maintenant lancés à fond dans leur combat. Je profite de leur folie pour me rapprocher un peu et  choisir un angle de prise de vue dégagé de tout obstacle. Je reprends ma position accroupie, et bien calé, "j'allume" : 9 10 11 déclenchements ; les cerfs sont bien en place dans leur ronde les yeux grands ouverts, la puissance dégagée est impressionnante. Ils s'arc-boutent, prennent un maximum d'appuis sur leurs postérieurs et lancent des assauts. Par moment une poussée plus forte fait reculer l'adversaire sur un ou deux mètres ce qui fait voler autour les branches et feuilles mortes et tracer des sillons sous leurs sabots... 

                        

 Les têtes sont au ras du sol, front contre front,les andouillets de massacre ancrés dans la terre. Je suis à une quinzaine de mètres des combattants, j'entend leurs souffles. Je mitraille toujours, pour une première il ne faut pas compter...Cela fait maintenant deux bonnes minutes que l'affrontement a débuté.Un dernier sursaut, les têtes se relèvent a environ une trentaine de centimètres du sol, une dernière tentative de déstabilisation par une torsion du cou échoue...C'est le moment que je choisis pour me relever car je sens que le "dix" va décrocher ! Effectivement, le plus léger des deux tourne vers la droite pour dégager ses bois, ce que semble accepter son rival. Un vif déplacement, un demi-tour et voilà mon cerf qui s'enfuit au grand galop en direction de la bute sur ma gauche...

Ma position debout a surpris le vainqueur ! Dans ce genre de situation, mieux vaut être debout, pour pouvoir le cas échéant se jeter derrière un arbre, car en fin de combat les cerfs sont désorientés et le voyeur que je suis pourrait se trouver au mauvais endroit !...

A trente mètres environ de moi, le beau "douze" s'arrête, me scrute, m'identifie..une dernière image : la quinzième...et le voilà reparti vers son harpail. Ce dominant, je l'avais photographié deux jours plus tôt, au même endroit, entouré de quatorze biches et bichettes....impressionnant !

                        

 Pour cette première expérience d'un combat de cerfs j'ai été favorisé par le lieu : en lisière de forêt avec une belle lumière matinale (9 heures) au sortir d'une nuit de pluie sans vent dominant !

Le combat a été assez équilibré, cerfs de 180 à 200 kgs, bien que le "douze" un peu plus lourd (encolure plus imposante) ait réussi quelques poussées sur son rival, qui, pour contrer ses attaques, appuyait très fort sur la tête de son adversaire pour le clouer au sol.... Pas de "coups défendus" ! simplement une épreuve de force, une sorte de pousse-toi de là c'est ma place...Une rivalité animale sans qu'il soit nécessaire de tuer. En observant bien les mouvement des animaux, ont peut affirmer  que si blessures il y a, elles sont dûes pour l'essentiel à une faute "technique".. La nature a bien fait les choses ; les bois se neutralisant (pour une même configuration de cerfs).

                                                      

Mon émotion évacuée, quelle joie !...15 images réussies sur 15 tentées ! J'aurais dû en faire plus....Mais gérer le stress, sa propre sécurité, les réglages....enfin tout en deux minutes à peine ce n'est pas si évident que cela ? Aussi, en revenant à mon campement la tête dans les étoiles, je me félicitais d'avoir pensé en partant à mettre dans ma poche un film vierge...car quelle n'aurait pas été ma frustration si je n'avais pas pu immortaliser sur la pellicule ces moments forts, si difficilement photographiables et rarement photographiés....! 

      2/ 17 heures : Bois de Roche Grande   (dimanche 28 septembre 2004)

Je prends mes quartiers dans la forêt. Fébrilement j'installe ma tente entre quatre sapins que j'avais repérés quelques semaines auparavant. L'endroit me semble correct, ma toile sera relativement bien cachée par la frondaison et l'espace devant l'entrée est bien dégagé. L'installation terminée, je ceins le périmètre avec une corde. Je fais deux tours a des hauteurs différentes pour fabriquer une clôture qui pourra, le cas échéant, faire obstacle à toute tentative d'intrusion des cervidés..Le couchage en place, je profite des derniers rayons de soleil pour lancer ma première expédition.

Je me dirige vers le nord-est du bois sans trop d'illusion, car la soirée est très calme, aucun bruit, aucun brame ! Arrivé en bordure du bois, je marque une pause et lance un tour d'horizon avec mes jumelles. C'est le calme plat, le soleil joue avec la montagne, les ombres prennent possession des vallons ; au loin, un corbeau déchire le silence de son cri rauque et lugubre. Je m'engage hors du bois un peu à regret car je dois traverser un vaste espace à découvert. Je serai vite repéré si... Quelques centaines de mètres plus loin je rejoins un bosquet d'où je pourrai observer une grande pâture. L'heure avançant les animaux devraient sortir du couvert pour s'alimenter !

Quelques minutes plus tard, un long brame rompt la monotonie ambiante !... Je tends l'oreille pour situer le coupable. Un deuxième brame, plus fort, plus long me permet de le localiser.

En pleine montagne je distingue à gauche d'une ruine de buron, une, puis deux biches. Je prends le parti de longer une clôture de pierres sèches, hérissée de fils de fer barbelés. Je me plie en deux et avance à pas comptés. Je réduis la distance qui nous sépare d'environ cent mètres, quand, au détour d'un petit repli de terre j'aperçois un très gros cerf occupé à rassembler ses biches. je marque un temps d'arrêt, les genoux à terre. Je voile ma tête du filet de camouflage et j'observe...

                                    

 La scène se situe à une cinquantaine de mètres, le groupe  est composé de 14 biches et bichettes ce qui donne un travail fou au maître de la place...C'est un "douze" bien ouvert, seul le sur-andouiller gauche ne s'est pas développé.

La lumière glissant sur l'horizon je monte le doubleur pour profiter au maximum de la scène. Bien calé je shoote le harpail au 60 ième de seconde...ce ne sera pas la photo du siècle, mais l'ambiance est bonne. Il est 19 heures 15 le soleil a disparu derrière les monts du cantal, déjà une légère brume envahit les pâtures, les animaux s'estompent vers l'horizon. Je reprends ma marche, la nuit s'annonce calme, il est temps de rejoindre le bivouac.

Après un rapide souper à la lumière de la lampe frontale, je m'enfonce dans mon duvet, et très vite je sombre dans mes songes !...

A 3 heures du matin, le sol sous ma tête trembla....réveil en sursaut ! des bruits de branches cassées, de feuilles foulées et un grognement de cochon ! En fait, une harde de sangliers venait de passer à proximité de ma tente....Ouf. 

                                     3/ Mardi 30 septembre Font Redonde

Ce matin debout de bonne heure : 6 heures 30. Après une toilette de chat dans la fraîcheur matinale, je prends la direction du village de Peyrusse au lieu dit Font Redonde.

La route se termine en cul de sac, seule liaison pour desservir deux ou trois fermes au fond d'un vallon. La topographie des lieux en fait un endroit très prisé pour les cervidés. A flanc de coteau, des boqueteaux de feuillus et de pins avec dans les intervalles, des petites pâtures. Une petite pause au pied d'un gros chêne me permet de souffler un peu et de tendre l'oreille à l'écoute du moindre brame.

L'année dernière à la même époque, la densité de cerfs était impressionnante à cet endroit... Cela ne sera pas le cas aujourd'hui. Les minutes passent, pas de signe de vie, cela devient inquiétant ! N'y tenant plus, je choisis l'option de l'approche à la "billebaude". Je longe les coulées, ausculte les souilles, hume les fumées...Je cherche le cerf.

Les heures s'égrènent, par moment un timide rot monte par dessus les arbres. les cerfs sont au repos, sûrement fatigués d'une nuit intense ?

Midi approchant, ce que me rappelle mon estomac, je m'installe sous un noisetier, assis sur un mur de pierres. Je laisse ma vigilance de côté compte tenu du calme ambiant et entreprends de me restaurer, le téléobjectif posé à ma droite...Perdu dans mes pensées et occupé à déguster ma boite de rillettes, je n'ai pas aperçu le cerf qui arrive face à moi le long d'une haie... Que faire ? Je me sens ridicule car j'ai là l'occasion de faire de belles images ! Le cerf ne m'a pas vu, il avance nonchalant vers moi. je suis figé. Je pose mon déjeuner doucement sans brusquer mon geste ! Le "douze" cors est à vingt mètres, il n'a pas senti ma présence. Je n'y tiens plus, je ne vais quand même pas laisser cette chance de tirer le portait de ce "royal". J'avance ma main droite vers le boitier à terre. Tout doucement je relève le téléobjectif...trop tard....le mouvement a été intercepté par l'oeil du cerf. Une volte-face et le voilà reparti au triple galop dans la direction opposée...Quelle erreur ! J'aurai dû le laisser passer et tenter ma chance après.... Je regrette de ne pas avoir gardé l'affût au lieu de m'alimenter à découvert, des instants comme celui-ci on en rêve et ne pas être prêt le moment venu est vraiment une faute de débutant !...

Fâché, je reprends mon barda et redescends la colline.

Arrivé au bord du ruisseau qui apporte une petite note musicale dans la douceur de ce début d'après-midi, je choisis l'option de reprendre un vieux sentier qui s'enfonce dans les feuillus.

Un quart d'heure plus tard, un vrai chemin fait suite au sentier. une imposante souille barre le passage à l'endroit même où le bois s'arrête et laisse la place à des massifs de genêts et de grandes fougères jaunies par la canicule de cet été. Je marche rapidement en remontant le long de cette abondante végétation. La nuit précédente, la pluie tombée en abondance a rendu le sol glissant et les empreintes des sabots marquent profondément dans le sol. Il doit y avoir une grande activité dans ce secteur ?

Je m'enfonce maintenant entre deux murs de végétaux lorsque j'entends un petit brame, une sorte de bâillement. Je marque un temps d'arrêt, surpris, mais content ! Enfin un peu d'activité...

J'avance prudemment, mes sens en éveil, quand à nouveau, partant de ma gauche, un long cri rauque monte vers le ciel. Je vais pouvoir tenter une approche ! D'après l'ampleur du brame, la bête doit être imposante. je ne dois pas attendre très longtemps pour que de nouveau le brame recommence, long et langoureux. Je le situe à quelques dizaines de mètres au dessus du chemin, dans le travers encombré de genêts et de ronciers. Je ne peux monter directement, je serais vu aussitôt. J'échafaude un plan d'approche privilégiant la ruse. Je remonte sur une centaine de mètres le chemin et m'engage ensuite sur un sentier que les vaches ont créé à force de passer. Le passage est étroit et il faut faire attention aux branches qui se tendent comme des ressorts et qui claquent après mon passage ; autant de bruits qui peuvent mettre en alerte le cerf.

Je progresse très lentement, ce petit sentier longe un repli de terrain, puis remonte,fait une nouvelle boucle, et..nouveau brame !.. Cette fois je ne dois plus être très loin. Je marque une nouvelle pause, le temps de calmer ma respiration qui a tendance à s'affoler...un genou à terre, je me déleste de mon sac à dos, et ajuste mon filet de camouflage, enfile les gants, règle le monopode en position médiane.

Je reprends mon approche, tout doucement, le dos courbé, en faisant attention de ne pas accrocher la végétation, le téléobjectif pointé devant moi. Une dernière déclivité, un petit sursaut de roches, je me plaque au sol pour mieux observer...Il est là, devant moi, à environ trente mètres...sous un chêne.

                                             

 Mon observation me confirme la présence d'au moins une biche, qui, apparaît et disparaît sous les branchages. L'endroit n'est pas très dégagé, les genêts masquent le cerf jusqu'à son poitrail. La biche à l'air nerveuse !

Je suis bloqué sur ma position car la distance qui nous sépare est vierge de tout obstacle naturel et le rampé ferait trop de bruit. Je m'installe, le monopode entre les jambes, l'oeil collé au viseur. Le cerf tourne à cet instant précis la tête dans ma direction et pousse un brame furieux...m'a-t-il vu ? senti ?

Je paufine le cadrage et déclenche une première fois. La distance étant importante je me baisse le temps de monter le doubleur de focale, ce qui transformera mon 300mm en 600mm. Tant pis pour la qualité, la bête est trop belle. Un superbe "dix" cors régulier,d'age mûr, environ 7 ans, à la robe marron claire et qui me regarde toujours. J'évalue son poids à 200 kgs. Dans le téléobjectif il; paraît encore plus impressionnant. Il a repris son brame ce qui m'incite à déclencher plus que de raison...

Je ne vois plus la biche ? Je comprends pourquoi, quand à mon grand regret ce seigneur quitte sa place et s'enfonce dans les genêts ; je ne distingue plus que le haut de ses bois qui dandinent par dessus. Inutile de le suivre, la biche a dû m'éventer, et son amant ne veut pas la lâcher d'un sabot !...

J'ai dû faire une dizaine d'images, ma journée est sauvée...Je rebrousse chemin et retourne à ma voiture, l'après-midi est déjà bien avancée...

                                     4/ Jeudi 02 octobre: Bois de la Pinatelle 

Mes amis, Sandrine et Didier, passionnés comme moi de photographie et de cerfs, étaient fiers de me montrer leur dernière séquence vidéo tournée hier dans la Pinatelle, au lieu dit : "la Gane", si contents que cela me donna une idée...

Habituellement je reste rarement plus d'une heure à tenir un affût..j'ai des fourmis dans les jambes !... 

Aujourd'hui c'est décidé, je vais planquer.
Direction la Pinatelle, il est 16 heures, le soleil baigne avec une grande douceur la forêt. Tout est paisible, seuls les geais sur mon passage déclenchent la panique de leur cri strident. De véritables sentinelles pour toute la faune de la forêt.

Je poursuis ma progression le long du ruisseau la "Gane", à ma droite se dressent les vestiges de la forêt, traumatisée par la tornade de 1999. Plus loin, les arbres ont disparu et ont laissé place à une grande étendue couverte de souches, de branches mortes, de fougères et de ronces. Par endroit, surgissent de ce chaos quelques arbres rescapés, le plus souvent des sapins. Je pénètre dans cette grande clairière à la recherche d'un point culminant. Après quelques minutes d'une marche difficile dans cet encombrement je repère deux gros rochers complètement isolés en surplomb

Arrivé sur place, je m'accroupis et balaye du regard tout le tour de cette position pour m'assurer que mon champ de vision sera bien dégagé. Je peaufine mon "déguisement" assis dos contre le rocher, le monopode bien calé entre mes jambes. Je suis prêt et n'ai plus qu'à attendre !...

Il est maintenant 18 heures 30, je sais qu'il faudra attendre encore un peu de temps avant que mes "amis" décident à se montrer... D'ailleurs le premier brame rompt le silence de cette fin d'après-midi, suivi presque aussitôt d'un deuxième, mais venant d'une autre direction. Les deux cerfs entament leur concert à distance, et rivalisent en montant d'un ton à chaque fois. Les bruits se rapprochent ce qui me rend fébrile.

Ah ! si seulement ils pouvaient venir dans ma direction, d'autant que le vent qui vient de se lever m'arrive de face. Leur brame s'amplifie alors que le soleil m'abandonne.

Mon posemètre m'indique 1/60 ième de seconde. Il ne faudra pas attendre très longtemps sinon je manquerai de lumière ! Cette fois le cerf a bramé si fort que j'ai cru qu'il allait surgir par dessus les fougères...puis silence. Je bloque ma respiration en tenant fermement mon télé, l'index sur le déclencheur au cas où ! Je soigne le cadrage et m'assure que tout fonctionne bien.

Silence....silence inquiétant, si brusque...Cinq minutes s'écoulent..Plus rien, plus de bruit ? Que se passe-t-il ? je n'ai pas longtemps à attendre pour comprendre ce changement de situation !

A quelques dizaines de mètres, face à moi, trois personnages traversent la clairière, l'un portant un camescope sur l'épaule l'air désinvolte...

Si je ne me retenais pas je leur lancerais des pierres....Leurs images enregistrées, ils ne se préoccupent pas de savoir s'ils sont seuls ou pas. Leur présence, loin d'être discrète a dissuadé les cerfs de traverser la place. Au loin des congénères ont commencé eux aussi leur concert, leurs brames se fondent dans la nuit naissante.

Déçu, je jette mon télé par dessus mon épaule et retourne sur le sentier.

La nuit a maintenant pris possession des lieux, ma lampe de poche trace mon chemin en direction de mon véhicule. Je peste en silence contre ces intrus qui m'ont fait avorter un superbe coup....Ce sera pour la prochaine fois !

                                               5/Sur la trace de Goupil

                                                   Printemps 2013 

                                                                     

L'année 2013 fût caractérisée par un printemps un peu poussif, et qui mit du temps à s'installer !... D'ailleurs les chutes de neige de fin mai sont encore dans toutes les mémoires. Ce pseudo printemps eut pour conséquence une régénération végétale tardive...

Depuis longtemps je voulais rencontrer Goupil (Mme) et sa progéniture...Sur les conseils d'une personne avisée, j'ai pu avoir connaissance de l'emplacement d'un terrier occupé par une famille.

J'étais très excité. Voilà de nombreuses années que j'attendais cette occasion. Parti de bonne heure, et après une marche d'approche assez soutenue, j'arrive enfin dans une petite pâture au pied d'une colline ; il est 8 heures. Le soleil est déjà bien monté au dessus de la forêt, dans mon dos... Face à moi, la pente est recouverte de jeunes pousses de fougères et dans son milieu je devine l'entrée du terrier.

Très vite, je me rends compte que mon entreprise va être difficile, car le terrier est complètement à découvert, les premiers taillis se situant à environ une vingtaine de mètres...Normalement les fougères en cette période de l'année auraient dûes masquer l'entrée du trou, mais comme je le disais en préambule, le printemps tardif n'a pas permis aux fougères de prendre de la hauteur, la renarde ne pouvant attendre des jours meilleurs pour mettre bas !

Ma première observation a donc été faite à une distance très respectable, environ 100 mètres en face. Autant dire qu'à cette distance les photos seront anecdotiques... Je n'ai pas longtemps à attendre pour voir apparaître dans mon téléobjectif le premier renardeau, puis quelques minutes après un deuxième. 

renardeau 1

                

 Après plus d'une heure d'observation, allongé entre les rochers, et ne voyant pas sortir ? ou revenir ? la renarde, je décide de reprendre le chemin du retour...tout en réfléchissant à la future stratégie à adopter pour une meilleure observation.

                renardeau 2

 Le surlendemain, fort de cette première expérience, je contourne par la droite la colline de façon à monter le long des arbustes. L'approche est rendue difficile car la pente est raide et encombrée de ronces. Ce cheminement ne se fait pas sans bruit, que j'évite autant que faire se peut ! Finalement je réussis à m'ouvrir un espace entre les branchages. Je pointe mon télé en direction du terrier...mais surprise ? Je ne vois plus très bien l'entrée, cachée qu'elle est par les fougères...En quarante huit heures le tapis végétal a pris du volume !

Tant pis, j'y suis, j'y reste, d'autant que ma position est très correcte, à peine quinze mètres du trou...Je me dissimule sous le filet, le télé bien calé entre mes jambes.

Les minutes passent...tout est calme...de temps en temps un geai passe  au dessus des feuillages. J'espère qu'il ne m'a pas vu, sinon !...

Le soleil est maintenant haut dans le ciel, une belle lumière baigne cet océan de verdure. Une heure passe. Je m'inquiète, quand soudain je remarque un léger frémissement des tiges.  Je déplace légèrement mon télé dans cette direction et tout à coup, le vert passe au marron ! Une boule de poils passe et repasse entre les pieds de fougères. Je n'arrive pas à le saisir, l'autofocus mouline, la mise au point est contrariée par la végétation. N'y tenant plus, je débraye l'automatisme et ajuste mon renardeau manuellement. Une photo, deux, et hop il disparaît...La séance se prolongeant, et sans nouvelle de la "maman" je plie délicatement mon matériel et je glisse le long de la pente. En rejoignant mon véhicule tout en réfléchissant à la prochaine tentative.

Dès le lendemain, après avoir bien cogité je regagne sans trop de difficulté mon poste d'observation. L'approche est aisée car mes locataires sont semble-t-il à l'intérieur !  Puisque je suis gêné par la végétation, j'ai la lumineuse idée....d'éliminer au sécateur les fougères entre ma position et le terrier, pour dessiner une allée dans l'axe de prise de vue !

Ceci fait, je reprends ma position bien caché et confiant ! Le temps passe...une heure, une heure et demie...rien...pas de sortie ! Aurais-je fait une erreur : du bruit ? mon odeur ?

Bien sur, mon intervention sur le site ne sera pas passée inaperçue ! et c'est à regret que j'abandonne mon poste.

 Le lendemain je refais une séance d'affût sans grand espoir ! Finalement après une heure d'attente, je réalise que je ne verrai plus les renardeaux de sitôt ; mon erreur stupide de la veille a mis la renarde en alerte, qui s'est empressée de déménager sa progéniture vers des lieux  moins fréquentés.

Adieux mes belles images si désirées...je n'ai à m'en prendre qu'à moi-même...la recherche d'images a des limites, que j'ai dépassées. A méditer !   

                

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                                                               6/ Des plumes dans le ruisseau

                                                          Octobre 2015

Ce matin, le ciel est bien dégagé. Au loin le soleil commence à illuminer les hauts plateaux du Cézallier et chasse la brume qui s'élève des vallons...

Je remonte à pas feutrés le ruisseau qui serpente dans la ravine, le téléobjectif accroché à mon épaule et tous mes sens en éveil !

Soudain, mon regard accroche à quelques dizaines de mètres devant moi, une petite boule bleue posée sur une branche au dessus de l'eau. Je me fige et observe : mon premier Martin Pêcheur...

           ruisseau (1)                                                             

Celui-ci, trop occupé à repérer sa future proie, n'a pas remarqué ma présence. C'est donc tout à loisir que je peux l'épier en ayant pris soin de me dissimuler derrière un buisson d'aubépines. Ce magnifique oiseau de la taille d'un moineau vit au bord des étendues d'eau calme , se nourrissant de petits poissons qu'il repère depuis son plongeoir et qu'il harponne sous l'eau avec son long bec en forme de poignard.

Ses magnifiques couleurs, bleu-vert pour le dos et les ailes et roux orangé pour la poitrine permettent de l'identifier à première vue.

A l'instant, de mon poste d'observation, un "plouf"  attire mon attention...le martin vient de plonger et après quelques secondes le voilà qui ressort de l'eau avec en travers du bec un petit vairon. Comme celui-ci se débat furieusement, notre martin le tape violemment contre la branche sur laquelle il vient de se poser pour l'étourdir. Puis après moult mouvements du bec  pour placer le poisson en bonne position, il  l'avale d'un trait,  tête la première.

 

                                       ruisseau (2)                                        

Rassasié,  celui-ci pousse un cri strident et s'envole en rasant l'eau telle une flèche bleue.

je reprends ma marche qui m'amène quelques kilomètres plus loin dans des gorges où le ruisseau a du mal à se frayer un chemin entre les rochers. Le soleil est maintenant haut dans le ciel et éclaire tel un projecteur les mini cascades qui s'enchaînent dans un sympathique gargouillis.

Je m'assois un instant sur un tronc d'arbre déraciné  pour profiter de cette ambiance.

Un gazouillement que je reconnais pour être celui du Cincle Plongeur me parvient malgré les clapotis du torrent.

Je cherche du regard à localiser d'où vient ce cri. Là, derrière un gros galet le corps à moitié immergé,  le cincle est affairé au nourrissage de sa progéniture.

Dans un petit méandre, à contre courant le cincle plonge et replonge pour remonter quelques mètres plus loin avec dans son bec un vers d'eau (casière), qu'il décortique sur un rocher avant de le déposer au fond du gosier de son jeune fraîchement sorti du nid. Le voila qui replonge et la transparence de l'eau me permet de le voir marcher sur le fond du torrent comme si ses pattes étaient lestées...par moment il se sert de ses ailes comme un poisson se sert de ses nageoires pour se déplacer.  Mon observation durera une bonne demi-heure, les trois jeunes cincles tournoyant en permanence autour de l'adulte en quête de nourriture.

                               ruisseau (3)                

Son poitrail d'un blanc pur contraste avec la couleur marron de son dos de et de son ventre, ce qui le rend difficile à localiser dans cet environnement. 

                                                                                                                    ruisseau (4)

Il y a de la vie dans le ruisseau. Nous sommes plus habitués à lever les yeux au ciel pour admirer les oiseaux, alors qu'au fil de l'eau des rencontres magiques sont toujours possibles , comme des plumes dans le ruisseau...! 

 

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